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OCS – MARDI 20 AOÛT À 22 H 25 – FILM
Au premier abord, le film de James Gray semble s’enraciner dans une tradition littéraire et cinématographique désuète, des romans d’Arthur Conan Doyle à ceux d’Edgar Rice Burroughs. Adapté d’un ouvrage de David Grann (Robert Laffont, 2010), lui-même inspiré des exploits de l’explorateur Percival Harrison Fawcett (1867-1925), disparu en Amazonie en pleine quête d’une cité perdue, The Lost City of Z procède d’un discret mais implacable travail critique de ce qui fut peut-être, longtemps, l’un des rêves de l’homme blanc occidental, avec ses préjugés, ses illusions.
Officier déclassé, en raison d’une généalogie socialement imparfaite (père joueur et alcoolique), Percy Fawcett (Charlie Hunnam) est envoyé en Amazonie, par la Société royale géographique londonienne pour y pratiquer un relevé de frontières entre la Bolivie et le Brésil. L’expédition prend, au terme d’un voyage périlleux, une autre dimension. La petite forme du cinéma d’action, fût-il de série B (attaques d’Indiens, agression de piranhas, découverte de peuplades cannibales), se mêle harmonieusement avec la grande de l’épopée historique et du biopic ample.
Convaincu d’avoir trouvé les vestiges d’une civilisation perdue, mais se heurtant à l’incrédulité des autorités, Fawcett va tenter d’en apporter la preuve au cours d’une seconde expédition. The Lost City of Z devient alors le récit d’une obsession dont la signification n’est sans doute pas tout entière réductible à la psychologie de son personnage central. Car la quête de Fawcett va se nourrir de la frustration engendrée par l’inaboutissement, bousculer les prescriptions de la société et de sa vie de famille – réduite aux moments qu’il passe chez lui, entre deux expéditions.
L’élégance du film de James Gray réside dans cette manière de faire ressentir les forces contradictoires qui déterminent le désir d’aventure et de savoir de Fawcett. Tout le film tend vers l’hypothèse impossible d’une fusion de mondes opposés. Le montage est ici un procédé technique au service de la narration tout autant qu’il devient l’essence même de la quête quasi métaphysique de ce qui sépare les « civilisés » des « sauvages », les hommes des femmes, les pères des fils.
On pourrait citer une lignée cinématographique pour définir The Lost City of Z : David Lean (1908-1991) pour le goût de l’épopée ; Stanley Kubrick (1928-1999) pour la description de mécanismes abstraits qui meuvent les individus malgré eux ; Luchino Visconti (1906-1976) pour cette intelligence des forces sociales confrontées à la malédiction des liens du sang. Au risque de passer à côté de la singularité du travail de Gray, qui combine avec une subtilité inouïe toutes ces préoccupations.
The Lost City of Z, film de James Gray (EU, 2016, 140 min). Avec Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller. Disponible à la demande sur MyCanal.
Jean-François Rauger
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